31/08/2020

Édito – Bonne rentrée !

Car faut-il rompre l’usage de se souhaiter mutuellement de bonnes choses ?
Assurément pas, surtout si on veut contrebalancer un peu ce qu’on nous assène chaque jour de mauvaises nouvelles ainsi que la stigmatisation encore bien trop injuste de nos métiers.
Comme si la place à la création, au rêve, à la fête, aux liens de toutes natures et – oh quelle audace – au plaisir… n’était qu’un vague accessoire de notre civilisation.

Cela dit soyons de bonne foi, pour la première fois depuis le 15 mars, un État a eu un propos circonstancié pour tous les métiers des arts et du spectacle, combinant considération et engagement financier significatif.
Depuis au moins le 15 juin, sans nouvelles, puis une fête de la musique totalement indécente où personne n’a estimé devoir s’adresser à nous, nous n’en attendions pas moins.
Les nouveaux dispositifs annoncés jeudi 27 août, viennent s’empiler au saupoudrage d’accompagnements existants, mais avec un peu plus de force et une claire vocation à soutenir l’activité du spectacle.

On ne peut que souhaiter que l’ensemble des autres acteurs·trices en capacité d’aider, emboîtent le pas à cette mobilisation autrement qu’avec cette parodie de l’invention (le cœur de nos métiers, de base) qu’on nomme « réinvention » à tour de bras, autrement qu’en exigeant une nouvelle légitimité des artistes et leur environnement (avec l’insulte suprême du « gagnant-gagnant »), et en affichant ce qui manque encore tant : une pleine confiance en la qualité, l’énergie, l’expertise de tous les acteurs·trices de nos métiers, plutôt qu’un challenge lancé à celui ou celle qui innovera le plus, ce qui n’est pas le sujet, ou ne devrait pas l’être.

Les arts et la culture sont ce par quoi, une société qui se construit parvient à privilégier la coopération sur la compétition. Détruire ce terreau, c’est nier la conscience qui nous anime tous.
Mais pratiquement, il reste aussi pour notre secteur des musiques actuelles une colossale interrogation, une condition avant toutes les autres : que nos activités puissent avoir le droit d’exister. Nos esthétiques ne fonctionnent que pour l’essentiel « debout » et ne sont pas compatibles avec une distanciation physique. Aujourd’hui elles ne sont pas autorisées, quelles que soient la zone d’action et sa couleur. Pour peu qu’on se risque en plus à faire danser les publics, on se fait presque criminels.
La perspective – ne serait ce que prévisionnelle, souhaitée – d’une possible date de réouverture n’est toujours pas présentée par le gouvernement.
Pourtant – aussi incertaine et fluctuante serait elle du fait du contexte – sa simple affirmation témoignerait d’un vrai plan d’action raisonnée, volontariste. Comme dans toute prévision, il y a un point d’équilibre, une « ligne de flottaison » à atteindre, avec des aléas qui vont petit à petit façonner la prévision en une réalité spécifique. C’est en projetant un objectif et en donnant un cadre qu’on peut définir ce qu’il est nécessaire de faire et de moyens à mobiliser pour s’y inscrire, pour ajuster, puis ce qu’il faudra encore faire pour pérenniser.
Cette approche pourtant structurante de tout projet, nécessaire pour soi-même comme exigée par tous les tiers (artistes et leur entourage, partenaires, banques …) ne semble plus être un essentiel.

On avance dans une nébuleuse improvisation (certes, c’est aussi un des talents du monde des musiques actuelles que savoir improviser, innover, surprendre). Si on se prend parfois à rêver d’un monde avec un peu de péril, d’insouciance et de surprises… on se passerait bien volontiers de celui qui n’a d’inconnu que le temps de la liberté et des liens pleinement retrouvés. Triste attente.
Mais heureusement, les idées ne s’enferment jamais et la solidarité peut toujours dépasser tous les clivages, tous les blocages.

Souhaitons que cette rentrée soit au moins celle d’un plein d’énergie que nous pourrons partager, pour se soutenir, se relever, ensemble, qu’on soit artistes, acteurs publics, entrepreneur·es, citoyen·nes de tout poil… Soyez certain·es que le Réseau des Musiques Actuelles de Paris – qui fédère non seulement des acteurs·trices de la ville, mais aussi d’autres aux horizons d’action bien plus larges pour lesquels la capitale reste un moteur essentiel – est engagé pour faire que Paris, plus grande salle de concert du monde, vive et demeure, pour le plus grand bonheur de toutes et tous.

Renaud BARILLET, Président
Pour le Bureau du Réseau des Musiques Actuelles de Paris