01/02/2024

Le gratuit, angle mort du spectacle vivant ?

Dans le milieu du spectacle vivant, une problématique majeure persiste, celle du refus d’accès aux financements du Centre National de la Musique (CNM) pour les concerts gratuits. Cette situation nous conduit à demander à l’État de rétablir un accès équitable aux soutiens de ce dernier et plus largement ceux des pouvoirs publics pour l’organisation de concerts gratuits, qu’ils aient lieu en festival ou en salles. Il est temps de déconstruire le préjugé selon lequel « gratuit » rimerait avec « pirate ».

Les acteurs du spectacle vivant gratuit soulignent l’absurdité du refus d’attribution de financement de leurs activités par le CNM, qui pourtant serait structurant et pérenne pour la filière. Le gratuit est assimilé à une « ligne rouge » et décrier pour ne pas considérer les musicien·ne·s à leur jute valeur.
Bien que les concerts gratuits respectent le même cadre social, fiscal et la réglementation que leurs homologues payants, ils se retrouvent souvent exclus des avantages associés aux soutiens publics, et doivent composer avec les aléas des seuls soutiens régionaux et locaux. Ils sont également écartés des programmes de soutiens à la création, les dates gratuites n’étant pas admises pour justifier d’une diffusion aux publics en suite d’une résidence par exemple.

Arguments en faveur de l’équité :

  1. Licences et Réglementation : Les entrepreneurs de spectacles gratuits se voient délivrer les mêmes licences d’entrepreneurs de spectacles, les mêmes codes NAF et appliquent les mêmes conventions collectives que leurs homologues payants ; leurs obligations réglementaires sont strictement identiques ;
  2. Coûts Équivalents : Les coûts inhérents à la production et à la diffusion des concerts gratuits sont comparables à ceux des événements payants d’autant que les recettes de billetterie ne constituent qu’une partie seulement du modèle économique du payant ;
  3. Taxation et Contributions : Bien que les événements gratuits versent eux aussi la taxe sur le spectacle au CNM, ils ne bénéficient pas des subventions de ce dernier en retour ;
  4. Soutien à l’Émergence : Les concerts gratuits sont un pilier essentiel pour soutenir l’émergence de nouveaux talents dans le paysage musical ;
  5. Une pratique répandue : Les festivals et les lieux proposant des concerts gratuits représentent une partie non négligeable de l’offre en France ;
  6. Complémentarité avec la Billetterie Payante : L’offre gratuite est complémentaire de la billetterie payante, enrichissant ainsi la diversité artistique, contribuant à rendre la musique accessible au plus grand nombre.

Il est aujourd’hui impératif de sensibiliser et d’interpeller les décideurs et le grand public sur cette question cruciale qui met en péril l’existence d’offre gratuite. Le soutien équitable aux concerts gratuits est essentiel pour maintenir la vitalité et la diversité du paysage culturel français. Le statu quo actuel ne doit plus être une barrière à l’épanouissement de la scène musicale, qu’elle soit gratuite ou payante.

NB : Soutien des OGC : Les programmes d’aides des Organismes de Gestion Collective (OGC) tels que la SACEM, l’ADAMI, la SPEDIDAM, la SCPP, et la SPPF ont reconnu cette dualité. Ces organismes soutiennent activement tant les concerts payants que gratuits, grâce à la Copie Privée Sonore. Nous demandons tout particulièrement au CNM d’appliquer la même logique et de ne plus opposer le payant au gratuit.

Yacine Abdeltif, Président de La Gare (membre CA du MAP), Élodie Mermoz, Directrice du Festi’Val de Marne, cofondatrice de Laboculture et programmatrice du festival KIOSQUORAMA (Trésorière adjointe Bureau du MAP) et Frantz Steinbach, Co-fondateur et directeur associé de DAPOPMUSIC, de Laboculture et du festival KIOSQUORAMA (Vice-Président Bureau du MAP)