Rencontre pro Réseau MAP Prévenir les risques en milieu festif
16/03/2022

Prévention des risques en milieux festifs : retour sur notre colloque du 9 mars

Le 09 mars, le Réseau MAP organisait une rencontre professionnelle avec :

  • Frédéric Hocquard, Adjoint à la Maire de Paris en charge du tourisme & de la vie nocturne
  • Me Claire Abate, Avocate au Barreau de Paris
  • Renaud Barillet, Président du Réseau MAP et directeur de plusieurs établissements indépendants
  • Cindie Le Disez, Co-fondatrice d’Act Right
  • Solène Bost, Directrice de l’association Aremedia, partenaire du dispositif Fêtez clairs
  • Modératrice : Géraldine Llabador, Fondatrice de G2L, Psychologue clinicienne et Secrétaire du Réseau MAP

Afin de ne rien louper mais également pour celles et ceux qui étaient absent·e·s, voici une synthèse des sujets abordés durant la rencontre.


TRAVAIL DE NUIT ET ÉVALUATIONS DES RISQUES : NOTIONS JURIDIQUES

Pourquoi parler de santé au travail dans le secteur de l’industrie musicale/culturelle ?

  • Les risques de santé dans le secteur de l’industrie musicale
  • Une question de respect de la législation
  • Les risques identifiés du secteur : risques auditifs, consommation d’alcool & de drogues et lutte contre les violences sexistes et sexuelles
  • La prévention et les leviers pour anticiper ces risques et se prémunir

Les caractéristiques du travail de nuit

Afin de comprendre les enjeux du travail de nuit, nos intervenant·e·s et notamment Maitre Abate ont rappelé la définition juridique du travail de nuit, un concept finalement peu compris dans toute sa subtilité. Quelques infos pour y voir plus clair :  

Période du travail de nuit : 

  • Principe : Tout travail effectué entre 21h00 et 6h00.
  • Dérogation possible : Période de 9 heures comprise entre 21h00 et 7h00 mais intégrant  obligatoirement l’intervalle entre minuit et 5h00, mise en place par :
    Accord d’entreprise ou d’établissement ou à défaut par accord de branche 
    Autorisation de l’Inspection du travail après consultation des délégué·e·s syndicaux et avis du CSE. 

Attention: Secteurs d’activités de la discothèque et du spectacle vivant, la période de travail de nuit est ramenée à 7 heures et comprend toujours l’intervalle entre minuit et 5 heures. 

Est travailleur·euse de nuit le/la salarié·e qui accomplit soit : 

  • Au moins deux fois par semaine, selon son horaire habituel, au minimum trois heures de travail pendant la période allant de 21h00 à 6h00 ou pendant la période qui lui a été substituée.
    
  • Un nombre minimal d’heures de travail de nuit au cours d’une période de référence données, tous deux fixés par convention ou accord collectif de branche étendu. Sachant qu’à défaut d’accord :
    ⏤ Le nombre minimal d’heures : 270 heures
    ⏤ Période de référence : 12 mois consécutifs.

Attention : Il convient de prendre uniquement en compte l’horaire habituel du/de la salarié·e. Et pour être comptées comme telles, ces heures de travail effectuées doivent être faite chez le même employeur.

Le saviez-vous ? 💡

Le travail de nuit était autrefois interdit aux femmes. Car les législations concernant le droit du travail de nuit dataient de 1800 et quelques. Il a fallu une directive de l’UE en 1976, qui indique qu’il y a une égalité F/H, mais cette directive n’a pas été transposée en France avant un certain nombre de temps. Il a fallu une condamnation (1991-1994) de la France au niveau européen pour qu’enfin, le travail des femmes la nuit soit reconnu.

Définition et encadrement strict du travail de nuit par la loi – textes de référence

⏤ Articles L. 3122‐1 et s., L. 3122‐15 et s, L. 3122‐20 et s. du Code du travail ; Circulaire DRT n°2002‐09, 5 mai 2002, BO Trav. 20 juin.
⏤ But du législateur : Protection et préservation de la santé et sécurité des salari·é·s (ici articles L.4121-1 et suivants du Code du travail).


La mise en place du travail de nuit

La mise en place du travail de nuit peut se faire par le biais soit :

  • De la conclusion d’un accord collectif.
  • D’une autorisation de l’Inspection du travail.

Remarque : Il est conseillé de consulter les représentant·e·s du personnel préalablement à la mise en place du travail de nuit (dans le cadre de leur compétence générale en matière de temps de travail).

Hypothèse de la conclusion d’un accord collectif :Hypothèse d’une autorisation de l’Inspection du travail :
Il doit contenir :
⏤ Les justifications du recours au travail de nuit ; la définition de la période de travail de nuit ;
⏤ Les contreparties dont bénéficieront les salarié·e·s ; des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salarié·e·s ; l’organisation de temps de pause.
⏤ Des mesures destinées à faciliter l’articulation de leur activité nocturne avec leur vie personnelle et avec l’exercice de responsabilités familiales et sociales, notamment en ce qui concerne les moyens de transport ;
⏤ Des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l’accès à la formation.
Seulement à défaut d’accord et à condition d’avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d’un accord dans un délai maximum d’un an avant de formuler la demande auprès de l’Inspection du travail.
⏤ La demande de l’employeur, doit être justifiée, prévoir des contreparties et des temps de pause pour les salarié·e·s + être accompagnée de l’avis des délégué·e·s syndicaux et du CSE.

Remarque : Dans les deux hypothèses la/le médecin du travail doit être consulté·e avant toute décision concernant la mise en place ou la modification de l’organisation du travail de nuit.


Les droits des salarié·e·s travaillant de nuit (hors volet spécifique santé et sécurité)

⏤  Les contreparties au bénéfice des travailleur·se·s de nuit :

  • Une contrepartie obligatoire sous forme de repos compensateur intégralement rémunéré.
  • Eventuellement, une contrepartie optionnelle sous forme de compensation salariale (consulter la convention de branche).

⏤  La question du consentement du/de la salarié·e à travailler de nuit :

  • Hypothèse du passage d’un honoraire de jour à un horaire de nuit (*Modification du contrat de travail : Consentement nécessaire)
  • Passage d’un horaire partiel de nuit à un horaire intégralement de nuit (*idem)
  • Hypothèse de l’accroissement de l’amplitude de nuit (* Simple changement des conditions de travail : Consentement non nécessaire)

A noter : Une protection spécifique concerne les salariées enceintes, consistant à un changement d’affectation, sans possibilité de réduction de salaire à leur demande ou à celles du médecin du travail.

⏤ Problématique sur le/la travailleur·euse de nuit souhaitant passer de jour :

  • Priorité pour occuper un emploi ressortissant de sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent.
    + L’employeur doit porter à sa connaissance les emplois disponibles correspondants.
  • Hypothèse du/de la salarié·e qui justifie d’obligations familiales impérieuses incompatibles avec le travail de nuit (garde d’un·e enfant, prise en charge d’une personne dépendante, etc.) :
    • Raison légitime pour demander son affectation sur un poste de jour.
    • D’ailleurs pour cette raison, un·e salarié·e peut refuser le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit refus ne peut constituer ni une faute ni un motif de licenciement.
La durée maximale journalière du travail de nuit :La durée maximale hebdomadaire du travail de nuit :
⏤ La durée de travail maximale : 8 heures consécutives qui peuvent être totalement ou partiellement effectuées sur la période de référence du travail de nuit.
⏤ Le repos quotidien : 11 heures qui doit suivre immédiatement la période de travail.
La/le travailleur·se de nuit ne peut donc pas travailler plus de huit heures sur une période de 13 heures consécutives.
Dérogation à la durée maximale de 8 h :
Soit par la conclusion d’accord collectif pour certaines activités bien spécifiques entrant dans le champs de l’article R.3122-7 du Code du travail et de la Circulaire du 5 mai 2002.
Soit sur autorisation de l’Inspection du travail et en cas de circonstances exceptionnelles c’est-à-dire anormales et imprévisibles.

Remarques : Il semble compliqué pour les entreprises dont l’activité est festive de déroger à la durée de 8h.
⏤ Sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, la/le travailleur·se de nuit ne doit pas dépasser une moyenne de 40 heures par semaine.

Exception: Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut porter cette limite à 44 heures sur 12 semaines consécutives si les caractéristiques de l’activité du secteur professionnel le justifient.

Remarques : Il paraît compliqué pour les entreprises dont l’activité est festive de déroger.

Les droits des salarié·e·s travaillant de nuit sur le terrain de la santé et sécurité

⏤  Un suivi individuel du/de la travailleur·euse de nuit par la médecine du travail :

Le but : Apprécier les conséquences éventuelles pour la santé et la sécurité de la / du salarié·e (notamment du fait des modifications des rythmes chrono-biologiques) et appréhender les répercussions potentielles sur sa vie sociale.
Attention : Un manquement dans ce suivi médical par l’employeur peut être considéré comme un manquement à l’obligation de prévenir et protéger la santé et sécurité des salarié·e·s (Obligation des articles L.4121-1 et suivants).

⏤  Ce suivi de la médecine du travail se manifeste par :

  • Une visite préalable d’information et de prévention réalisée par la/le médecin du travail, l’interne en médecine, la/le collaborateur·rice médecin ou l’infirmier·e.
  • Un renouvellement de la visite maximum tous les 3 ans (sans que ces visites n’empiètent sur le temps de repos quotidien).
  • Un droit pour la/le salarié·e de bénéficier d’un examen médical à sa demande.
  • L’information du / de la médecin du travail de toute absence pour cause de maladie de la / du travailleur·se de nuit (information par l’employeur).

⏤  Avant cette mise en place, l’employeur doit prendre en compte :

  • Le contenu des activités de travail (exigence physique ou psychologique, degré de vigilance requis) ;
  • Les conditions de réalisation du travail (en équipe ou seul) ;
  • Les conditions de travail (exposition au bruit par exemple, présence d’une salle de repos) ;
  • L’évaluation des risques professionnels sur les postes concernés ;
  • La vérification de l’adéquation entre les mesures de prévention et les horaires de nuit ;
  • Les conditions de vie des salarié·e·s concerné·e·s (temps de trajet, moyens de transport, conciliation vie professionnelle/vie privée).

Il se caractérise par des mesures de prévention après évaluation des risques. Cette évaluation est retranscrite sur le Document unique d’évaluation des risques (DUER). A ce DUER, est annexé un document qui consigne les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles aux facteurs de risques de nature à faciliter l’établissement des fiches de prévention des expositions, notamment à partir de l’identification de situations types d’exposition.

⏤  Cette évaluation consiste notamment à :

  • Identifier les dangers auxquels sont exposés les salarié·e·s : bruit, troubles musculo- squelettiques, addictions, harcèlement sexuel et sexiste…
  • Surveiller régulièrement le taux de fréquence et de gravité des accidents du travail et de trajet, les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.
  • Evaluer régulièrement la santé perçue tant au niveau physique que psychologique (consultation notamment des indicateurs d’absentéisme et de turn‐over).
  • Analyser le risque en prenant en compte tous les facteurs pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité des salarié·e·s.
  • Prendre les mesures nécessaires pour supprimer ou diminuer le risque.

Précisions sur les risques plus spécifiques au milieu festif

L’employeur à une obligation en matière de santé et sécurité au travail. Il peut voir sa responsabilité engagée (pénale et civile) notamment par le versement de dommages et intérêts. La jurisprudence ayant changée, on passe d’une obligation de résultats à une obligation de moyens. Avant, l’employeur était immédiatement responsable en cas d’incident. Donc mettre en place des moyens de prévention n’allait “rien changer à la donne”. Mais depuis 2018, l’employeur peut mettre en place des dispositifs de prévention,  car il est maintenant acteur de la prévention.

⏤  Les risques auditifs :

Le bruit peut être considéré comme une maladie professionnelle (surdité due à des bruits lésionnels).

  • Socle réglementaire : Articles R.4431-1 à R.4437-4 du Code du travail
  • Seuil maximal d’exposition au bruit: Aucun·e salarié·e ne peut être exposé·e à un niveau d’exposition quotidienne au bruit supérieur à 87 dB(A) (correspondant à une journée de travail de 8 heures) ou à un niveau de pression acoustique de crête de 140 dB(C).
  • Le calcul de ces niveaux d’exposition tient compte de l’atténuation apportée par les protections auditives portées.
  • Les éléments à prendre en compte dans l’évaluation des risques liés aux nuisances sonores sont déclinés à l’article R.4433-5 du Code du travail.
  • Et les paramètres à mesurer sont : La pression acoustique de crête ; Le niveau d’exposition sonore quotidienne ; Le niveau d’exposition sonore hebdomadaire.
  • Les mesures de prévention sont déclinées aux articles R.4434-1 à R.4434-7, à titre d’exemple : La réduction de l’exposition au bruit par une meilleure organisation du travail, en limitant la durée et l’intensité de l’exposition et en organisant convenablement les horaires de travail, prévoyant notamment des périodes de repos.
  • Les mesures de protection individuelles : consistent essentiellement au port de protections auditives. Lorsque le niveau d’exposition quotidienne au bruit excède 80 dB(A) et le niveau de pression acoustique de crête 135 dB(C), le chef d’établissement est tenu de mettre à disposition des protecteurs auditifs individuels.
  • Il existe différents types de protection : bouchons d’oreilles simples ; bouchons moulés sur l’oreille de la personne ; casques antibruit.

Pour en savoir plus sur la thématique du son, rendez-vous sur le site internet d’Agi-Son

risques auditifs - révention - rencontre rpo du réseau map

Le saviez-vous ? 💡

La question des risques auditifs liés au bruit pour les travailleurs·euses de nuit représente le coût le plus important pour la sécurité sociale (100 000€/ salarié) en matière de santé publique.

⏤  Les risques liés au sommeil :

Le manque de sommeil peut entraîner de l’obésité, des maladies liées au sommeil. « Lors du travail de nuit, la désynchronisation de l’horloge circadienne associée au manque de sommeil seraient à l’origine de la prise de poids et de l’obésité ainsi que du diabète de type 2. Le travail de nuit exposerait à un risque cancérogène que l’expertise collective a considéré comme également probable » (source : IRNS).

⏤  Les risques liés à l’alcool et aux violences sexistes et sexuelles :

Un autre problème dont on parle moins, mais qui est pourtant bien présent dans les milieux festifs, ce sont les problèmes problèmes d’harcèlement sexuel et moral ( regarder « le consentement et la tasse de thé » sur YouTube), et les problèmes liés aux addictions (alcool et drogues). Concernant ce dernier, nous conseillons de mettre en place un règlement intérieur, qui permettra d’encadrer les choses, car il faut savoir que l’alcool est en soit toléré par le code du travail. 

⏤  L’alcool sur le lieu de travail :
  • Socle réglementaire : R.4228-19 à R.4228-25 code du travail (exceptés le vin, la bière, le cidre et le poiré, la consommation d’alcool est interdite sur les lieux de travail).
  • Recommandé : Prévoir dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service:
  • Les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident (limitation, voire interdiction, de la consommation d’alcool sur les lieux de travail), mesures qui doivent être proportionnées au but recherché.
  • Moyen de prévention : L’information des salarié·e·s sur les dangers liés à la consommation d’alcool ; Quid du recours à l’alcootest: selon le Conseil d’État, il n’est justifié que s’il a pour objet de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse. Mais sa finalité ne saurait être disciplinaire.
⏤  Le harcèlement sexuel :
  • Définition : Il est constitué dès lors qu’est caractérisée une répétition de propos ou comportements à connotation sexuelle, étant précisé que deux agissements suffisent à caractériser cette répétition.
  • Obligations de mesure de prévention: L’employeur doit prendre « toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner »
  • Obligation de désignation d’un référent harcèlement sexuel : Par le CSE au sein de ses membres peu important l’effectif de l’entreprise. Si l’entreprise n’a pas de CSE, l’employeur n’a pas d’obligation de désigner un référent HS, à condition toutefois que l’effectif de l’entreprise soit inférieur à 250 salarié·e·s. Dans les entreprises de plus de 250 salarié·e·s, obligation pour l’employeur de: désigner un référent harcèlement sexuel : afficher sur le lieu de travail, ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les dispositions de l’article L. 222‐33 du Code pénal sur le harcèlement sexuel; mentionner dans le règlement intérieur les dispositions du Code du travail relatives au harcèlement moral et sexuel ainsi qu’aux agissements sexistes.

« Dans la nuit, tout  est inversement proportionnel. C’est-à-dire que la rigueur, la précision, la retenue et l’exigence qu’il faut pour travailler la nuit est souvent en inversement proportionnel avec le lâcher prise et la déconnexion par rapport au réel qu’on souhaite offrir au public. Et on a effectivement face à nous, une clientèle qu’il faut arriver à gérer et qui est plus ou moins turbulente, malgré tout le charme que ça peut avoir. Il va donc y avoir la question de la prévention, contre l’abus de substances, la prise de stupéfiants, de pratiques sexuelles à risques. »

Renaud Barillet, Président du bureau du Réseau MAP.

Qui plus chaque année, l ’employeur doit: déclarer via la DSN les rythmes de travail entre minuit et 5h00 effectuées au moins 120 nuits par an qualifiés de facteurs de risques pour la santé. A noter que ces facteurs de risques sont également pris en compte, pour alimenter le compte professionnel de prévention, pour ouvrir droit à la retraite anticipée au titre de la pénibilité et dans le cadre de l’obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité. En l’occurrence, des organismes mettent à disposition de nombreux outils pour évaluer les risques liés au travail de nuit, préconisant aussi des solutions. Tel est le cas :

  • Des recommandations de la société française de médecine du travail (SFMT) de 2012 relatives aux bonnes pratiques pour améliorer la surveillance médico‐professionnelle des travailleurs postés et/ou de nuit.
  • De l’INRS (INRS, ED 5023, mars 2013).
  • De l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui a publié en juin 2016 une évaluation des risques sanitaires liés au travail de nuit (www.anses.fr)

Culture de la précarité des responsables d’établissements face aux nombreuses réglementations et responsabilités

Une culture de la précarité

Du côté des responsables d’établissements, la santé du personnel est une réelle préoccupation car il en relève de leur responsabilité. Ici, nous n’aborderons pas la question de la santé du travail de nuit du point de vue employé, mais du point de vue employeur·e / organisateur·rice / producteur·rice / responsable d’établissement qui lui/elle est responsable de la santé de ses salarié·e·s.

C’est un temps de précarité assez fort, pour l’établissement lui-même, puisque à part quand celui-ci choisit de se décréter lui-même discothèque, il est sous le régime dérogatoire. Les ¾ des établissements qui ont une vie nocturne en France sont sous ce régime. A Paris, théoriquement elles peuvent durer jusqu’à 2 ans, mais en réalité elles sont plus souvent valables de 3 à 12 mois. Donc pour avoir une activité nocturne, l’employeur·e- l’exploitant·e passe en permanence son temps à demander cette dérogation d’exercer. On est donc déjà dans un rapport compliqué avec les salarié·e·s. Les responsables sont en prise de risque total avec les équipes permanentes.

« C’est tellement des activités avec des modèles en flux tendus, que nous, si on est fermé un mois sans aides, c’est une catastrophe, car c’est une perte colossale, voire c’est l’arrêt de l’activité (…) Il faut considérer ce temps de vie à part entière, , car c’est un choix de vie. (…) Le fait qu’il y ait un peu de péril dans son essence, un peu comme un funambule qui chemine sur son fil, fait que je pense que la vie nocturne à tout à gagner à être mieux admise dans le paysage de la vie sociale, citoyenne, touristique, et économique (…) On est tellement souvent dans des phases de tests, et il faut faire la différence entre tester une soirée, un événement, et la vocation nocturne d’un établissement ou d’un festival. Car c’est pas un essai, on s’engage, et face à cet engagement il faut déprécariser ce secteur pour que ça se répercute sur les salarié·e·s. »

Renaud Barillet, Président du bureau du Réseau MAP.

Et les salarié·e·s ont aussi à y gagner d’avoir en face d’eux des interlocuteurs stables parce-que c’est à partir de là aussi qu’on peut, y compris avec la pression des autorités administratives, être sommé (les employeurs) de faire plus pour les équipes (stabilité, repos etc)

… dû à la relation responsables / réglementations

Pour revenir sur le droit du travail, car c’est un sujet qui est souvent attaqué, les élu·e·s essayent de faire bouger les curseurs. Mais c’est la préfecture de police qui donne les autorisations d’exercice d’activité aux ERP. Il y a seulement une consultation de la part de la Mairie en amont. Le Maire peut dire non et la Préfecture de police peut dire oui, et vice-versa. Mais c’est la préfecture de police qui a le pouvoir décisionnaire final. Cependant, il (F.Hocquard) se bat pour qu’il y ait plutôt un partage de ce pouvoir décisionnaire. Après, il faut savoir que le nombre d’autorisations est en hausse à Paris. En 2021 on en délivre plus de 395, et ça, sans compter les Type P (dont 60% de l’espace est réservé à la danse, ouverts après 2h). Cette autorisation va de 3 mois à 2 ans, la plupart du temps ça tourne autour de 6 mois. 

On peut se questionner sur le statut des bénévoles, qui n’ont pas de droits car pas salarié, mais dont la responsabilité de la protection (sans compter la protection civile) relève de l’établissement. Dans le secteur de la nuit, on retrouve beaucoup de petites structures, aux statuts parfois multiples comme une entreprise – association, ou juste association avec une équipe permanente réduite. Et c’est souvent un mix de plusieurs types de postes, CDD, intermittent et bénévolat, et c’est vrai que parfois, on nage dans le flou. Par exemple, si on souhaite payer un taxi retour à son/sa bénévole, juridiquement ce n’est pas possible car ça relève d’un avantage réservé au statut d’un salarié. Il serait sûrement intéressant de faire une rencontre dédiée spécifiquement ou non, à la mise en lumière sur le statut des bénévoles pour aider nos structures à mieux fonctionner.  Car c’est très courant dans nos milieux.

  • Pour les entreprises de moins de 50 salarié·e·s, à partir du 1er juillet 2024, le dépôt du document unique se fera de façon dématérialisée sur un portail numérique et sera obligatoire.
  • Pour les entreprises de plus de 50 salarié·e·s, ça sera le 1er juillet 2023. 

Même si ce n’est pas obligatoire pour les structures sans salarié·e·s, Il est préconisé de faire une évaluation des risques. Car c’est un bon outil pour pouvoir faire un bilan annuel des incidents répertoriés, voir comment on a évolué et déterminer quelles actions on peut mettre en place l’année suivante

Cela permet de faire l’évaluation finale en fin d’année pour voir si les choses mises en place ont permis d’établir de réels changements. On peut aussi préconiser de faire des fiches de postes très simples à destination de nos prestataires / sous-traitants, en exposant ses valeurs et d’expliquer clairement que s’il y a non-respect de ces dernières, on se réserve le droit de stopper toute relation de travail. « Sans aller jusqu’au règlement intérieur, nous on parle d’une charte, qui peut même également se décliner au public » (Cindie L.).

Il existe des obligations de protections légales en matière de harcèlement les entreprises de plus de 25 à salarié·e·s

  • il doit y avoir un référent harcèlement sexuel 
  • Disposition dans le règlement intérieur 
  • Faire de la prévention (temps d’échanges/paroles avec ses salarié·es, ses bénévoles, ses sous-traitants, les CDD etc). 
  • Système de signalement efficace avec la possibilité de l’anonymiser (ex: formulaire en ligne) et enquête**
  • Des permanences dédiées sont organisées par le Barreau de Paris, pendant lesquelles des victimes peuvent aller voir gratuitement des avocat·e·s. Thomas Graff, présent à la rencontre, représente la cellule d’accès au droit du Barreau de Paris, sur les différents univers de la culture et l’accès au droit. 
  • La Commission égalité vient financer à 50% toutes les actions de formation pour l’égalité. 

Consommation alcool/drogues : campagne de la Mairie de Paris « Touche pas à mon drink »

Vous connaissez sûrement déjà les stands de prévention de réductions des risques de Fêtez Clairs. Les établissements et festivals accueillent généralement très bien ces derniers, ce qui fait comprendre que l’ensemble des acteurs·rices de la filière sont conscient·e·s des problématiques et risques liées à la vie nocturne et qu’il faut adopter des mesures de prévention et réduction de ces derniers.  Cette campagne « touche pas à mon drink » a été pensée pour faire passer un message directement aux agresseurs pour prévenir et dissuader, puis aussi dans un second temps, s’adresser aux victimes ainsi qu’aux équipes des établissements concernés. Notre discours n’est pas prohibitionniste, l’objectif des stands de prévention reste la libération de la parole sur la consommation de produits et risques sexuels quand ça s’y prête (ex : le ChemSex). Le public peut librement venir nous parler de leur consommation s’iels ressentent le besoin ou l’envie.

« Notre partenariat avec le camion itinérant d’analyse de produit découle de la même mentalité pour nos initiatives. On assume, car on sait qu’il y a de la consommation de substances dans la vie nocturne, mais on décide de ne pas fermer les yeux et au contraire, de l’assumer au travers d’une approche pragmatique. C’est un dispositif expérimental ponctuel dans certaines soirées (laboratoire embarqué dans un camion) de l’association Charonne, pour analyser les produits avec deux critères : le taux de pureté et avec quoi c’est coupé. »

Solène Bost, Directrice de l’association Aremedia, dispositif partenaire de Fêtez Clairs.

Lutte contre les violences sexistes et sexuelles : Campagne « Sans oui, c’est non » 

« La prévention de l’harcèlement sexiste et sexuel en milieu festif n’est pas un point à part, car tout est intrinsèquement lié avec les précédentes thématiques. Alcool, drogue, sexe et violences sexistes et sexuelles sont des composantes de nos milieux.  Et si on agit que sur un point, on ne sera jamais efficace et on aura jamais une bonne prise en charge.»

Cindie Le Disez, Co-fondatrice d’Act Right.

Comment prendre en charge une victime d’agression sexuelle sur son site si au préalable on a pas pris en compte son état de santé ? Car c’est un des grands points sur lesquels Act Right est en train de travailler. Ils mettent en place des formations inter-associatives qui travaillent sur la réduction des risques (alcool, drogues, sexe, harcèlement et violences sexistes et sexuelles).  Ce sont des processus qu’on peut transposer à tous les niveaux. Il faut organiser des temps de paroles et mettre en place des process de formation, d’information et de communication.


Brèves sur le recours à une autre entreprise vu sur le terrain de la santé et sécurité

Le problème est que dans le secteur de la vie nocturne, on retrouve une pluralité de contrats de travail (CDD, CCDU, intermittents, vacataires, extras etc) ainsi qu’une pluralité d’employeur·euses. Et cela rend très compliqué l’obtention du statut de travailleur·euse de nuit car la législation exige un certains nombres de critères pour l’obtenir, par exemple :

Cas pratique : un artiste qui se représente en club, qui travaille de nuit (de 23h à 7h) et qui a différents employeurs, juridiquement, comment ça se traduit ? Pour cela, il faut la régularité avec l’employeur s’il veut obtenir le statut de travailleur de nuit. Car au niveau de la législation, c’est l’employeur qui va lui assurer une protection, un certain statut  et une compensation financière.

L’hypothèse du recours à l’intérim :

  • Principe : L’entreprise utilisatrice est responsable de la santé et sécurité des salarié·e·s = L’entreprise utilisatrice doit soumettre les travailleurs temporaires appelés à intervenir pour elle aux mêmes règles protectrices que celles appliquées à ses propres salarié·e·s.
  • Cependant : L’entreprise d’intérim est tenue de fournir les EPI à ses salarié·e·s conformes à la réglementation (chaussure de sécurité etc…).

Le cas du recours à la sous- traitance :

  • Principe : Le sous-traitant est responsable des conditions d’exécution du travail et est chargé de veiller à l’application de la réglementation du travail.
  • Toutefois : Dans l’hypothèse d’un accident, l’entrepreneur principal peut également être tenu pour responsable lorsqu’il a commis une faute caractérisée, une simple négligence ou faute d’imprudence.

Vers qui se tourner ?


11.04.22 : MAP’tinale #6


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